Vous doutiez peut-être de la position des institutions européennes quant à l’idéologie en provenance d’outre-altantique d’appropriation du vivant. Aujourd’hui, elles confirment pourtant leur compromission au complexe génético-industriel composé des lobbies pharmaceutiques et agrogénétiques, déjà entrevue dans le domaine des OGM agricoles.
Récemment, l’OEB vient de donner raison à l’université de l’Utah et à la société américaine Myriad Genetics concernant un brevet protégeant une technique d’identification des prédispositions génétiques aux cancers du sein et de l’ovaire, contesté pour des raisons éthiques, économiques et scientifiques par de nombreux chercheurs européens. Lire le reste de l’article »
Pierre-Henri Gouyon et Yves Chupeau étaient invités récemment à un débat sur les OGM dans l’émission “Ce soir ou jamais”. Lors de ce débat grand public, nous pouvons retrouver dans l’argumentaire de Yves Chupeau quelques grands poncifs infondés des promoteurs de ces produits: 1) Les transferts de gènes comparables à ceux de type biotechnologique se font “depuis la nuit des temps”, ce qui est faux, car les transferts de gènes horizontaux naturels sont différents dans leur signification biologique, dans leurs modalités, des transferts de gènes de type biotechnologique, et possiblement dans les types de gènes impliqués. 2) Les OGM permettent de diminuer l’utilisation de pesticides (ou herbicides) et leur critique occulte le débat sur les pesticides: on peut répondre que le pesticide des OGM de type Bt est sélectif, et que les mécanismes d’adaptation ou de résistance des insectes face à ces nouvelles plantes sont prouvés, limitant ainsi leur efficacité. Les objectifs de réduction d’intrants chimiques sont par ailleurs contestés. D’autre part, le débat sur les dangers des pesticides dans l’opinion publique n’est que très récent tout comme celui des OGM. Il est donc faux de dire que l’un occulte l’autre, car si les dangers des pesticides sont plus anciens que ceux liés aux OGM, les deux thématiques sont étroitement liées et n’ont été largement médiatisées que ces dernières années. 3)La comparaison des techniques de génie génétique à des techniques agronomiques traditionnelles (comme le labour): cela n’a manifestement rien à voir. 4)L’utilisation d’un vocable non argumenté ni défini et tendancieux: progrès génétique, amélioration végétale par génie génétique. 5) Enfin, Yves Chupeau pour défendre la censure qui a animé la communauté scientifique en ce qui concerne les travaux d’Arpad Putzaï, fait une affirmation assez étonnante: “Les pommes de terre sont toxiques pour les rats“. Si tel est le cas, on se demande pourquoi l’INRA a basé sa méthodologie d’analyse des OGM, la métabonomique, en 2005, en donnant des pommes de terre génétiquement modifiées à ces mêmes animaux… L’Institut de Recherche National Agronomique français aurait-il fait complètement fausse route dans sa méthodologie d’analyse des risques sanitaires liés aux OGM ? C’est ce que semble dévoiler sur France 3, ce chercheur, directeur de l’unité de biologie cellulaire à l’INRA de Versailles. Terminant par la question des brevets, cette émission/débat sur les OGM conclut finalement très logiquement que “le débat sur les OGM n’a même pas encore commencé“, et qu’il faut “oublier tout ce que l’on a entendu jusqu’à présent et commencer maintenant à s’intéresser aux OGM“.
Le vote à une courte majorité par les députés français du projet de loi commercial sur les OGM entérine une mise sous tutelle de la France au lobby agro-militaro-génétique américain, déjà entamée avec le rapprochement géostratégique de la France aux Etats-unis par l’envoi de soldats français en Afghanistan, et une évocation par le président Sarkozy d’un retour de la France au sein de l’OTAN.
Alors qu’en 1975, Henry Kissinger, connu pour l’élaboration de doubles rapports concernant des bombardements secrets au Cambodge, initiait pour la première fois la stratégie controversée de “Pétrole contre nourriture” (Oil for food) avec l’URSS, l’armée américaine, quelques années plus tôt, avait utilisé des produits chimiques pour détruire le couvert végétal et les récoltes de leurs ennemis, au Vietnam, à l’aide de défoliants de l’industrie américaine. Trente ans après l’énorme famine déclenchée par la guerre au Cambodge et au Vietnam, les entreprises américaines de l’agrogénétique tentent aujourd’hui de gagner ces marchés agricoles en prévoyant d’introduire les semences GM dans ces pays, selon le rapport annuel 2007 de l’organisation promotrice des biotechnologies végétales ISAAA. Après que les banques de semences en Afghanistan et en Irak [réf.] aient été détruites par la guerre, de nouvelles législations prévoient déjà également la modernisation de l’agriculture de ces pays, en partenariat avec les multinationales américaines, et en introduisant la culture d’OGM par voie de fait. Lire le reste de l’article »
Plein-écran “Un Monde à vendre” (Life running out of control), un documentaire très instructif sur l’agriculture et la culture indienne, et les conséquences et enjeux du commerce transgénique mondial vus de l’Inde, par Bertram Verhaag et Gabriele Kröber.
contre la brevetabilité des êtres vivants et la monopolisation des ressources génétiques
La brevetabilité des êtres vivants et de leurs gènes constitue un bouleversement des valeurs sans précédent. Elle instaure la marchandisation de la vie elle-même.
Aux USA, les entreprises peuvent demander des brevets sur des organismes vivants, génétiquement modifiés ou non, ainsi que sur des gènes, notamment humains, même sans en avoir identifié la fonction. La simple description d’un gène suffit à se l’approprier.
La directive européenne 98/44 CE, malgré quelques précautions oratoires et certaines conditions imposées au dépôt de brevet, admet elle aussi de transformer les gènes des espèces vivantes, y compris ceux de l’homme, en objets de commerce (1) .
Ce n’est qu’un premier pas : à travers les accords sur la propriété intellectuelle négociés dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les États-Unis vont tenter d’étendre leur législation au reste du monde.
Outre ce que ces brevets d’un genre nouveau (2) ont de choquant sur un plan éthique, ils auront de graves conséquences pratiques pour la santé, l’environnement, l’agriculture et la recherche scientifique.
Sur ce dernier point, un rapport de l’Académie des sciences notait récemment : « Certains groupes industriels ou sociétés de génomique considèrent que les données de la génomique doivent être rapidement mises dans le domaine public, de manière à permettre une avancée normale de la recherche au plan international. Cette attitude est d’ailleurs fortement encouragée par la Charte internationale sur le génome qu’a fait adopter le Comité international de bioéthique (UNESCO) en considérant que les gènes, en tant que tels, ne sont pas brevetables car ils appartiennent au patrimoine commun de l’humanité » (3).
Dans le domaine des applications médicales, quelles que soient par ailleurs les réserves qu’on puisse émettre sur les thérapies géniques ou la « médecine prédictive » (et notamment sur l’usage qu’en font employeurs et compagnies d’assurance) (4) , on constate déjà les premiers effets de la brevetabilité des gènes. Plusieurs laboratoires américains ont ainsi dû cesser leur activité liée à deux gènes humains sur lesquels la société Myriad Genetics détient un brevet. En Grande Bretagne, une quinzaine d’autres sont menacés (5).
Certains vont jusqu’à déposer des demandes de brevets sur des bactéries dangereuses afin de toucher des royalties sur les vaccins qui pourraient en être dérivés ! (6)
La bataille pour le contrôle des territoires stratégiques de cette « nouvelle frontière » fait rage (7). L’office américain des marques et des brevets (USPTO) a déjà accordé plus de 2000 brevets sur des gènes et les demandes se comptent par millions. A elle seule, la société Celera Genomics totaliserait plus de 6500 demandes de brevets portant sur des gènes humains.
plein écran Soirée thématique d’Arte sur le brevetage du vivant Les pirates du vivant par Marie-Monique Robin et débat deuxième partie cliquer: Le blé: Chronique d’une mort annoncée ?