Pierre-Henri Gouyon et Yves Chupeau étaient invités récemment à un débat sur les OGM dans l’émission “Ce soir ou jamais”. Lors de ce débat grand public, nous pouvons retrouver dans l’argumentaire de Yves Chupeau quelques grands poncifs infondés des promoteurs de ces produits: 1) Les transferts de gènes comparables à ceux de type biotechnologique se font “depuis la nuit des temps”, ce qui est faux, car les transferts de gènes horizontaux naturels sont différents dans leur signification biologique, dans leurs modalités, des transferts de gènes de type biotechnologique, et possiblement dans les types de gènes impliqués. 2) Les OGM permettent de diminuer l’utilisation de pesticides (ou herbicides) et leur critique occulte le débat sur les pesticides: on peut répondre que le pesticide des OGM de type Bt est sélectif, et que les mécanismes d’adaptation ou de résistance des insectes face à ces nouvelles plantes sont prouvés, limitant ainsi leur efficacité. Les objectifs de réduction d’intrants chimiques sont par ailleurs contestés. D’autre part, le débat sur les dangers des pesticides dans l’opinion publique n’est que très récent tout comme celui des OGM. Il est donc faux de dire que l’un occulte l’autre, car si les dangers des pesticides sont plus anciens que ceux liés aux OGM, les deux thématiques sont étroitement liées et n’ont été largement médiatisées que ces dernières années. 3)La comparaison des techniques de génie génétique à des techniques agronomiques traditionnelles (comme le labour): cela n’a manifestement rien à voir. 4)L’utilisation d’un vocable non argumenté ni défini et tendancieux: progrès génétique, amélioration végétale par génie génétique. 5) Enfin, Yves Chupeau pour défendre la censure qui a animé la communauté scientifique en ce qui concerne les travaux d’Arpad Putzaï, fait une affirmation assez étonnante: “Les pommes de terre sont toxiques pour les rats“. Si tel est le cas, on se demande pourquoi l’INRA a basé sa méthodologie d’analyse des OGM, la métabonomique, en 2005, en donnant des pommes de terre génétiquement modifiées à ces mêmes animaux… L’Institut de Recherche National Agronomique français aurait-il fait complètement fausse route dans sa méthodologie d’analyse des risques sanitaires liés aux OGM ? C’est ce que semble dévoiler sur France 3, ce chercheur, directeur de l’unité de biologie cellulaire à l’INRA de Versailles. Terminant par la question des brevets, cette émission/débat sur les OGM conclut finalement très logiquement que “le débat sur les OGM n’a même pas encore commencé“, et qu’il faut “oublier tout ce que l’on a entendu jusqu’à présent et commencer maintenant à s’intéresser aux OGM“.
Dans son édito du 25 juin 2008, Philippe Val révèle que l’avocat de Clearstream, Richard Malka, se nourrirait d’OGM. Info, intox ? Difficile à dire tant les preuves apportées par le directeur de publication et de rédaction du journal Charlie Hebdo semblent pour le moins, fines. Le nombre de produits transgéniques actuellement autorisés en Europe étant encore assez limité, il est cependant possible de se faire une idée des produits de consommation alimentaire courants de l’avocat de Clearstream, dans l’attente d’une éventuelle confirmation de sa part, en consultant Le Guide des produits avec ou sans OGM. Mais la révélation la plus étonnante de l’édito de Philippe Val est sans conteste la présence de l’industrie fromagère Bel, producteur de la Vache Qui Rit, et représentée par la société Unibel, au sein de la multinationale Clearstream. Aussi, cette “révélation” de la presse grand public nous offre également l’occasion de rappeler les liens établis entre la multinationale luxembourgeoise et notamment la multinationale Cargill, partenaire de Monsanto dans la distribution des denrées et semences transgéniques dans le monde. Le PDG de Nestlé, militant actif du lobbying industriel agroalimentaire, a également appelé récemment l’Union Européenne, dans un entretien accordé au Financial Times, à assouplir ses règles en faveur des Organismes Génétiquement Modifiés en déclarant qu’ “on ne peut pas nourrir la planète sans les organismes génétiquement modifiés” et que les OGM sont une des technologies les plus sûres que nous ayons jamais vues, bien plus sûres que (les produits) biologiques ou écologiques à la mode en Europe”. Peter Brabeck qui milite pour l’imposition des OGM en Afrique, a également signé une lettre, envoyée par Unilever à l’Union européenne pour freiner le développement des biocarburants, qui réduiraient les surfaces agricoles. Unilever figure également dans les listings de la chambre de compensation internationale Clearstream.
“L’un de nos objectifs est d’incorporer l’Afrique au marché mondial des biocarburants. L’Afrique a un énorme potentiel de croissance économique dans ce secteur“, estime M. Fredriksson directeur de la SEKAB, compagnie suédoise ayant passé un contrat sur 10 ans avec la Northern Sugar Resources Ltd, productrice de canne à sucre au Ghana. (Le Ghana se lance dans les biocarburants pour exporter en Suède, AFP, Romandie News, 03/05/08) En octobre 2007, les officiels déclaraient: “la famine au Ghana est imminente” (Ghana famine is imminent aid officials say, United Press International, 26/10/07). La mondialisation achève de montrer son absurdité en privilégiant des cultures de biocarburants dans des pays au bord de la famine, et ce alors que de nombreux pays africains vivent depuis des décennies d’importantes crises alimentaires et de malnutrition. Les cultures d’exportation finissent de détruire l’économie agricole vivrière au nom du libéralisme mondial. C’est à se demander ce qui est prioritaire pour les dirigeants de l’OMC: le libre-échange, ou l’autonomie alimentaire des populations ? Faire rouler des voitures ou nourrir les populations ? Il semble inconcevable d’exploiter des terres pour des biocarburants en Afrique, et encore moins pour des agrocarburants génétiquement modifiés, sans avoir réglé de façon durable le problème de la faim dans ces mêmes pays, en relocalisant notamment l’agriculture, comme le font les initiatives de fermes agroécologiques (Centre Songhaï au Bénin ou de Gorom-Gorom au Burkina Faso) et en libérant les semences, reproductibles gratuitement, non en les libéralisant ou en les brevetant.
Alors que la propagande du lobby proOGM bat son plein, instrumentalisant à son profit la crise alimentaire mondiale générée par la spéculation sur les aliments, des solutions efficaces pour lutter contre la malnutrition existent mais ne sont curieusement pas abordées dans les débats.
La spiruline, outil contre la malnutrition sévère La spiruline, ou Arthrospira platensis, est une cyanobactérie ou micro-algue de couleur verte, vieille de plus de trois milliards d’années et qui est considérée comme l’un des micro-organismes les plus anciens de la planète. Elle était déjà connue et consommée par les Aztèques au XVIe siècle, et fut décrite dans le Codex de Florence, série de livres rédigée au Mexique par un moine franciscain, qui est devenue la principale source d’informations sur la culture Aztèque:
Description d’une récolte d’algues et de gâteau d’algues faits par les Aztèques (Codex de Florence, Fin XVIe siècle)
Le génético-progressisme, principale idéologie de l’âge biotech repose sur la croyance de la possibilité de maîtrise du génome par l’homme, dont une des conséquences est la volonté de création de nouveaux organismes dit “génétiquement modifiés“.
Ce dogme totalitaire dispose d’un appui financier et industriel très puissant, supporté par des multinationales, des banques, des think tank, mais aussi des états, dont les organismes décisionnels sont infiltrés par les adeptes de cette idéologie. Il est aussi relayé par de nombreux réseaux ou associations dits “sceptiques”, “rationnalistes”[réf.], ou “progressistes et matérialistes”[réf.], voyant dans la technique le remède aux problèmes de société, position critiquée en son temps par Habermas dans “La technique et la science, comme idéologie“, et qui caractérise un transfert collectif lié au refoulement historique du religieux dans l’institutionnel, dans les sociétés humaines.
Alors que la corruption du lobbyisme industriel s’institutionnalise au niveau du Parlement Européen, le problème du dévoiement des organismes de la finance internationale au service des multinationales n’a jamais été abordé de front ni par les juges, dont on empêche de faire le travail, ni par les politiciens, dont beaucoup ferment volontairement les yeux sur ces pratiques frauduleuses.
Présentes dans les listings 2001 de Clearstream, révélés par le travail de Denis Robert, Cargill première entreprise exportatrice au monde de denrées transgéniques, en partenariat avec Monsanto, et inondant les ports français de soja et de colza transgéniques, ainsi que Unilever multinationale de l’agroalimentaire, ont ainsi utilisé (et continuent d’utiliser ?) les réseaux financiers de la chambre de compensation Clearstream du Luxembourg, destinés aux banques et aux institutions financières, pour étendre leur main-mise sur les marchés locaux nationaux. La mise en garde du juge Renaud Van Ruyembeke au Parlement Européen en avril 1997, sur la question de l’utilisation des circuits de la finance internationale, et son appel à la création d’un espace judiciaire européen, résonnent plus que jamais comme une invitation à la lucidité dans l’actualité de la mondialisation politique et économique.
Le vote à une courte majorité par les députés français du projet de loi commercial sur les OGM entérine une mise sous tutelle de la France au lobby agro-militaro-génétique américain, déjà entamée avec le rapprochement géostratégique de la France aux Etats-unis par l’envoi de soldats français en Afghanistan, et une évocation par le président Sarkozy d’un retour de la France au sein de l’OTAN.
Alors qu’en 1975, Henry Kissinger, connu pour l’élaboration de doubles rapports concernant des bombardements secrets au Cambodge, initiait pour la première fois la stratégie controversée de “Pétrole contre nourriture” (Oil for food) avec l’URSS, l’armée américaine, quelques années plus tôt, avait utilisé des produits chimiques pour détruire le couvert végétal et les récoltes de leurs ennemis, au Vietnam, à l’aide de défoliants de l’industrie américaine. Trente ans après l’énorme famine déclenchée par la guerre au Cambodge et au Vietnam, les entreprises américaines de l’agrogénétique tentent aujourd’hui de gagner ces marchés agricoles en prévoyant d’introduire les semences GM dans ces pays, selon le rapport annuel 2007 de l’organisation promotrice des biotechnologies végétales ISAAA. Après que les banques de semences en Afghanistan et en Irak [réf.] aient été détruites par la guerre, de nouvelles législations prévoient déjà également la modernisation de l’agriculture de ces pays, en partenariat avec les multinationales américaines, et en introduisant la culture d’OGM par voie de fait. Lire le reste de l’article »
En ayant clairement décidé de faire de la question sensible des OGM un enjeu politicien, la majorité UMP du Parlement français s’est désavouée aux yeux non seulement de l’opinion publique, des associations mais aussi d’un certain nombre de ses membres.
La politique de la majorité,”actionnée” par des lobbies industriels, selon les termes du sénateur UMP Jean-François Legrand, est mise en oeuvre, d’après le député UMP François Grosdidier, par un “petit groupe” influent ultra proOGM au sein de la majorité, calquant ses positions sur celles des multinationales de l’agrogénétique. Alors que le Ministre Jean-Louis Borloo qualifiait à l’Assemblée le texte de loi OGM comme le plus “précautionneux” au monde, il apparaît que celui-ci est en fait peut-être le plus insidieux existant sur la planète, et le plus hypocrite, autorisant les OGM tout en prônant le principe de précaution et en s’en remettant aux institutions européennes, dont les directives se basent sur les concepts politiques de régulation américains conçus par le lobby agrogénétique, comme celui d’équivalence en substance. Aussi, la secrétaire d’état à l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet qui a dénoncé un “concours de lâcheté” au sein de la majorité présidentielle, dont les leaders veulent “assurer le minimum“, s’est vue menacée dans sa fonction par le Premier Ministre même, François Fillon, et haranguée par quelques collègues. La bêtise des clivages politiques sur des sujets aussi sensibles et d’intérêt public s’est exprimée dans une grande confusion, alors que le Premier Ministre en appelait à retirer en deuxième lecture au Sénat pour des raisons politiciennes, un amendement de l’opposition destiné à protéger les écosystèmes locaux et soutenu par quelques parlementaires UMP. Lire le reste de l’article »